Le théâtre connecte chacun à son intériorité.
Le théâtre connecte chacun à son intériorité. Fermer les théâtre, c’est couper les gens d’eux-même, de leur propre intériorité. Venir au théâtre est un rituel laïque et spirituel. C’est un acte de reconnaissance et de foi envers sa propre intelligence, sa sensibilité et son appartenance à une communauté. C’est un engagement pris vis à vis de soi même, par le temps passé à assister à une représentation, à se remettre soi même en question, en mouvement, intimement et collectivement. Fermer des théâtres vide les bureaux de vote et remplit les chapelles. Cela marche ensemble. Le théâtre est indissolublement lié à la démocratie, depuis son origine. Fermer un théâtre c’est encourager l’abstention et le désinvestissement des citoyens de la vie politique, c’est encourager le plongeon dans les vices religieux, et donner sciemment le pouvoir à ceux qui ont des réponses à notre place. Mobiliser son âme d’enfant en allant voir des spectacles nous prémuni de cette tentation immense d’être infantiles quand il s’agit de prendre des décisions politiques, en se croyant tout puissant et aux dessus des lois, car les scènes sont peuplées de dialogues qui font exister et parler des Autres, des points de vues divergents. Elles sont le terrain d’inventions collectives, d’êtres qui chaque jour remettent l’ouvrage sur le tapis, se posant la question de l’aventure humaine et de ses faiblesses, du sens de la vie, de l’absurdité du monde. Dans un pays dit civilisé, cela n’a pas de prix. J’ai eu l’occasion ces jours-ci d’assister au Théâtre National de Bretagne à la première mise en scène d’une jeune femme issue de l’école du TNB. Ils étaient huit sur scène, de moins de 30 ans. Le spectacle était écrit par eux. Ce qui se déployait sous nos yeux sous couvert de spectacle, était en réalité un hommage à la fraternité, à la coopération, à la vitalité, à la capacité de ré-invention de la jeunesse dans un monde d’une extrême violence. Je me suis dit que ces jeunes gens étaient à leur façon des combattants. des guerriers. Si leur engagement, et si celui de tous les jeunes gens qui veulent pouvoir aller au théâtre et pratiquer un art dignement et avec reconnaissance dans tous les recoins de France, pas seulement dans les grandes villes, n’est pas respecté comme une nécessité vitale, c’est que nous laissons aux puissances destructrices le champ entièrement libre, en tuant dans l’oeuf les possibilités de contrepoids. C’est que nous ne croyons plus en rien, et que nous avons quitté le bateau, en y laissant nos enfants.